La résistance
bourbonnaise apparut sur le terrain, dans le cours de
l’année 1943, lorsque simultanément
apparaissent également les réquisitions du STO,
pour l’envoi de main d’œuvre en Allemagne
et les consignes de la radio incitant à s’y
soustraire.
Saint Sauvier n’échappant pas à la
règle avait un groupe de
« maquisards » au lieu-dit le
Ferrand et de nombreux
« résistants » dans
toute la commune.
L’équipe de « résistants
» constituée pour les parachutages sur le terrain
dit Wrangel avait été prévenue par un
message personnel de la radio de Londres, dans la soirée du
22 juillet 1943, qu’un parachutage aurait lieu au cours de la
nuit sur le terrain.
Les messages étaient les suivants :
Le message fut
confirmé au cours de l’émission de 21
heures, alors que la pluie faisait son apparition sur la
région. Malgré le mauvais temps les
habitués du terrain se rendirent à leur poste. Il
faisait nuit noire et le mauvais temps laissait prévoir des
difficultés.
|
De fait, l’avion
anglais, un « Halifax », gêné
par les conditions atmosphériques, ne put atteindre son but
comme prévu vers 1 heure du matin ; c’est
seulement à 3 heures 15 que le vrombissement de ses moteurs
signala sa présence. Les signaux d’usage furent
immédiatement mis en place et l’avion parachuta
plusieurs coffres d’armes ; mais brusquement l’un
des moteurs s’arrêta et l’avion
déséquilibré piqua du nez en direction
d’un grand champ d’avoine où son pilote
parvint à le poser au grand prix de bien des
difficultés.
|
Dysfonction érectile |
Alors que le grand oiseau
roulait encore à vive allure, une aile heurta un arbre (certains
disent des fils électriques) et ce fut le
capotage. Le choc fut violent et l’avion
sérieusement endommagé, tandis que sur les huit
occupants quatre étaient indemnes.
Il fallut malheureusement déplorer un mort, le chef de bord
; un officier canadien nommé Max
Lavallée ; deux blessés graves et un
léger.
Dès la chute de l’avion les «
résistants » se
précipitèrent au secours des aviateurs tandis que
d’autres avec autant de diligence s’employaient
à prendre des armes pour les cacher, et jeter les containers
pour la plupart vides dans un petit étang voisin afin de les
dissimuler.
Quant à l’avion, il fut saboté et les
réservoirs d’essence percés, le stock
de vivres fut soigneusement récupéré
afin d’être utilisé pour la nourriture
des aviateurs rescapés. Les quatre aviateurs indemnes et le
blessé léger, un jeune Anglais nommé Patterson,
furent conduits en hâte à Montluçon
où ce dernier fut soigné avec
dévouement par des parents et amis des sauveteurs ainsi que
par un médecin de Montluçon. Il devait peu
après quitter Montluçon par le train, tandis que
ses quatre camarades rejoignirent le maquis d’Ayat
près de Pionsat où ils
séjournèrent une quinzaine de jours avant de
tenter de regagner l’Angleterre dans un avion de chasse.
Les deux blessés graves durent être
abandonnés à Saint Sauvier, ils
reçurent les premiers soins chez les habitants du bourg
où les Allemands les firent prisonniers quelques heures plus
tard. L’alerte avait été
donnée à retardement par les gendarmes
d’Huriel, de manière à permettre la
destruction de l’appareil, la
récupération des armes et des vivres ainsi que la
mise en lieu sûr des cinq aviateurs valides, car si deux
Anglais furent abandonnés aux Allemands
c’était uniquement en raison des conditions
pratiquement insurmontables qu’ils auraient eues pour les
soigner.
Ceux-ci, après avoir été
hospitalisés à Montluçon furent
transportés à Clermont-Ferrand où des
« maquisards » devaient les
libérer et leur permettre de rejoindre la Grande-Bretagne
par la voie des airs.
Dès que la garnison allemande de Montluçon eut
connaissance de cet accident, une véritable
expédition s’organisa et aux premières
heures de la matinée plusieurs voitures et camions de la
Wehrmacht arrivaient à Saint Sauvier où une
mitrailleuse fut aussitôt installée sur la place
de l’église ; quelques minutes après
les Allemands étaient sur les lieux de l’accident
et immédiatement les recherches commencèrent.
L’étang voisin fut complètement
vidé et les Allemands s’emparèrent du
butin. Par contre ils échouèrent
complètement dans leurs recherches pour retrouver les
aviateurs rescapés et les
« résistants » qui
avaient participé à ce parachutage
malgré les interrogatoires qu’ils firent subir
à un certain nombre d’habitants de la commune et
des villages voisins.
Lorsque les habitants de Saint Sauvier apprirent la mort d’un
des aviateurs, il fut décidé sur
l’initiative de M. Paul Mairal
instituteur d’organiser des obsèques dont les
frais devaient être couverts par une souscription publique.
Les Allemands eurent vent du ce projet, et craignant que cet
enterrement soit le prétexte à une manifestation
de sympathie à l’égard de
l’Angleterre et du même coup
d’hostilité à leur endroit, ils
décidèrent de transporter le corps à
Montluçon où il fut déposé
et mis en bière à la morgue de
l’hôpital.
Les obsèques furent donc
célébrées à
Montluçon avec les honneurs militaires ; bien que
l’heure ait été tenue
secrète, une indiscrétion venue de
l’hôpital permit à la population de
prendre ses dispositions pour honorer cet aviateur.
Durant toute la matinée du samedi 24 juillet des gerbes de
fleurs enrubannées de tricolore furent
déposées autour du cercueil. Et, à
l’heure fixée deux à trois mille
Montluçonnais se rassemblaient à
proximité de l’hôpital. A sa sortie, le
cercueil était couvert du drapeau anglais et deux couronnes
furent accrochées au corbillard ; l’une offerte
par la garnison allemande portait un ruban rouge à croix
gammée, l’autre avait été
apportée par le représentant du consul suisse
à Vichy. Les nombreuses gerbes des Montluçonnais
furent volontairement oubliées, ce qui ne manqua pas de
provoquer l’indignation.
Plusieurs courageux Montluçonnais conduits par le directeur
du théâtre, M. Fouillaud
pénétrèrent à
l’intérieur de l’hôpital et
reprirent possession des gerbes pour les porter eux-mêmes sur
la tombe de l’aviateur. Deux barrages de gardiens de la paix
furent établis pour éviter que les manifestants
ne se rapprochent trop des Allemands, il ne pouvait cependant
être question d’empêcher cette foule
ardente en majorité des femmes à manifester sa
gratitude aux alliés.
A l’arrivée du corbillard des jeunes gens
grimpés sur le portique jetèrent des fleurs. Les
deux portes se refermèrent. La foule dut se
résigner à attendre en chantant la Marseillaise
et le God Save the King. Invités par la police à
garder le calme, une décision unanime courut de bouche
à oreille : tous les Montluçonnais
rangés de chaque côté de
l’avenue tournèrent le dos dès
l’apparition des Allemands et entonnèrent
à nouveau la Marseillaise. Un officier, blême de
fureur, ordonna de tirer une salve en l’air. La foule tenta
alors de se mettre à l’abri.
Les Allemands partis, les manifestants eurent libre accès au
cimetière. Pour la troisième fois
l’hymne national s’éleva et le jeune Jacques
Ducreux prononça l’allocution suivante :
Hommage à
notre camarade de la R.A.F. tombé sur notre sol
occupé par l’ennemi pour la liberté du
monde. En rendant hommage à notre allié, un
Canadien que nous considérons comme Français, ce
sont tous les combattants, tous ceux qui luttent pour la
liberté que nous saluons ici. Hier vivant, il participait
à la guerre, à notre guerre, dans notre camp.
Aujourd’hui mort, il restera pour nous le symbole du combat,
le type même du combattant. Il est, et restera un inconnu,
mais il aura eu la satisfaction de se sacrifier pour le plus beau, le
plus grand des idéaux « la
liberté ».
Jeunesse Montluçonnaise
Au nom de la jeunesse de France.
|