Au cours de mes recherches, je me suis aperçu qu’une personne que je côtoyais fréquemment, avait écrit un livre sur les vignerons d’Huriel. Au travers de cet ouvrage, ce passionné a voulu rendre hommage, je le cite : « à une corporation paysanne méritante, attachante, et surtout injustement oubliée par tous ceux qui, à travers les recherches historiques, s’applique à fixer la mémoire de notre belle province Bourbonnaise ».

D'une grande fraîcheur d'écriture, cet ouvrage magnifique est ponctué de nombreuses anecdotes. Il se lit comme on boit du bon vin, c’est à dire avec délectation et aussi vite que l’on vide une bouteille de « vin de soif » frais, un soir d’été à l’ombre d’un marronnier.

Je lui dédie cet espace et je le remercie pour tous les renseignements qu’il m’a fournis.

Je vous livre, avec son autorisation, un extrait tiré de son livre "Ils étaient vignerons à Huriel" primé en 1982 (Prix Emile-Guillaumin). Dysfonction érectile primé en 1982



[…] Le ban des vendanges n’existe plus dans l’Allier depuis le 14 septembre 1870 en vertu de cette note du Préfet Victor Cornil aux maires :

Messieurs,

Institué autrefois pour la plus commode perception des dîmes féodales, le ban des vendanges n’est plus aujourd’hui qu’un obstacle au développement de la richesse vinicole, alors surtout que des expériences multipliées ont démontré la précocité de certains cépages, et les avantages de nouveaux modes de culture. En dehors du cas d’extrême division de la propriété des vignes, et de nécessité absolue de traverser les parcelles des voisins pour sortir les récoltes, aucune considération sérieuse ne saurait justifier les entraves du ban des vendanges.

Je serais donc heureux d’apprendre que Messieurs les Maires ont renoncé à réglementer la cueillette des raisins dans leurs communes, et qu’ils ont laissé aux propriétaires liberté pleine et entière pour cette opération.

Agréez, Messieurs les Maires, l’assurance de ma considération très distinguée.

V. CORNIL

[…] Généralement, trois mois « après la fleur de lys » , après avoir « aberré » cuve et bigorres, et après que le tonnelier eut « argiaulé » les tonneaux, le jour des vendanges pouvait arriver.

Il commençait par un solide casse-croûte pendant lequel le doyen organisait les équipes, donnait les consignes. L’attelage était préparé, les bigorres chargées et encordées, le fouloir disposé à l’arrière avec la benne dans la trémie, et l’on se dirigeait vers le travail. Chaque vendangeur se munissait d’un couteau à pointe recourbée, remplacé depuis par le sécateur.

On choisissait son filet et l’on avançait de front, en « jacassant » beaucoup. Les paniers en vannerie, fabriqués durant l’hiver, se remplissaient vite.

visible au musée d'Huriel

Étaient-ils à peine pleins, qu’on interpellait le porteur de benne : « Hé, la benne … ». Le contenu de celle-ci était déversé dans les bigorres et le porteur recommençait sa navette. Le soir les « arlanges » lui avaient blessé les épaules.

Le repas de midi était pris sur le tas. Il se composait des charcuteries, des pâtés, des volailles et des tartes préparés par les épouses, et apportés sur le coup de midi dans des linges.

L’après-midi le travail se poursuivait, et durerait plusieurs jours.

L’effort donnait soif et le vin ne manquait pas, aussi certains soirs le retour était parfois agrémenté par des spectacles amusants, comme ce vigneron ivre, qu’on ramenait un jour sur sa charrette, le corps coincé entre les bigorres, la tête et les bras pendants, ponctuant par des gestes qu’il ne contrôlait plus, le pas cadencé de son cheval, pour le plus grand plaisir des villageois. […]

Merci à M. Bernard Duplaix